Chalon-sur-Saône
Après les attentats sanglants de janvier 2015, on a entendu un grand nombre de remarques laissant penser que certaines victimes étaient allées trop loin dans leurs caricatures, satires et autres dessins de presse… On pouvait même entendre que finalement les victimes n’avaient eu que ce qu’elles méritaient !
Les longs défilés humains qui suivirent montrèrent que les Français avaient été choqués profondément, avaient peur de l’avenir même si les interprétations de cette mobilisation grandiose divisent encore les analystes politiques et sociaux. D’ailleurs, ceux qui étaient dans la rue ou place de la République n’avaient pas tellement d’idées précises sur la situation, les causes de tout cela et les conséquences à court et moyen terme…
Pour l’historien des médias, au-delà des attentats et des questions de sécurité, se pose une question importante : sera-t-il possible de continuer à caricaturer comme avant ? Prophète, chef d’Etat ou Dieu, on pouvait dans ce pays tout dessiner, avec humour ou pas, sans risquer sa vie. Cette situation allait-elle pouvoir se prolonger ou allait-on entrer dans une nouvelle ère, celle de la censure du dessin de presse ?
Pour répondre à cette interrogation lourde et grave, il ne faut pas se contenter de faire parler ses sentiments à chaud, il faut reprendre l’histoire du dessin, de la caricature, de la satire. C’est en voyant comment nous avons construit, au fur et à mesure, notre culture dans ce domaine que nous pouvons comprendre les risques et la façon de les éviter…
Michel Bonnet, spécialiste de l’histoire des médias, vous propose de reprendre cette histoire de la caricature, qu’elle soit textuelle ou dessinée, pour arriver jusqu’aux années soixante où la France s’est dotée d’une presse satirique presque unique en Europe. On pourra voir ainsi Cabu et Wolinski faire éclore leur talent, s’affirmer devant tous, profiter de cette exception française et finir par être victime de ceux qui ne partageaient pas les mêmes valeurs…
Contrairement à des idées reçues, cette présentation démontrera que le Prophète ne fut pas une « victime » unique du dessin satirique qu’avant lui Dieu, le Juif, le Nègre, les rois et autres présidents, le Boche, la Femme, le Riche, le Pauvre… et tous les autres furent dessinés, croqués, parodiés, moqués, dans l‘indifférence ou pas, dans les éclats de rire ou pas, avec des procès gagnés ou perdus… mais sans attentat !
Excessive, incisive, drôle ou même de très mauvais goût, la caricature est un mode d’expression qui va, peut-être, avoir du mal à survivre à janvier 2015… Mais l’humanité a déjà traversé tant de crises complexes que nous pouvons être sûrs qu’elle saura sauvegarder les chemins de liberté !